Appeva

 

 

Nom Appeva

Pays

France

Localisation

Froissy (Haute Somme)
Année d'ouverture 1970

Ecartement

600 mm

Longueur

7 km

Traction

Thermique

http://www.appeva.com

Les origines

L'armée française développa, dès les années 1880, un système stratégique ferroviaire en prévision d'un conflit. Ce réseau, basé sur le système ferroviaire industriel développé par Paul Decauville, fut adapté pour suivre une armée en marche et ainsi alimenter le front quelles que soient les conditions d'acheminement. La particularité de ce réseau étant que les voies étaient portables (traverses métalliques rivetées aux rails), leur écartement étroit (60 cm) et qu'elles étaient conçues pour supporter du matériel léger, ce qui permettait une pose sur n'importe quel type de terrain, même marécageux, sans soucis de préparation du sol. Ce système a d'abord été installé dans les places fortes de l'Est (Verdun, Toul, Epinal, Belfort), puis utilisé pendant la 1re guerre mondiale. Son utilité devenant indispensable, il fut présent jusqu'à la fin de la guerre sur toutes les lignes de front et constitua souvent le seul lien des soldats du front avec l'arrière et leur seul soutien. Les Allemands, informés de la création de ce système avant la guerre, décidèrent de créer un réseau équivalent à celui français ; ainsi, pendant la 1re guerre, la compatibilité des systèmes permettait aux différents belligérants de récupérer les machines et les voies du camp adverse.
La ligne du P'tit train de la Haute Somme, longue de 7 km, faisait partie d'un réseau construit par les armées françaises et britanniques pour la bataille de la Somme (juillet à novembre 1916). Conçu pour préparer l'offensive du 1er juillet 1916 et alimenter l'artillerie, ce réseau permit de rester en contact avec les soldats français et britanniques sur les lignes de front, souvent dans des conditions déplorables, la voie étant posée dans la boue. Ce réseau desservait la zone des étangs de la vieille Somme et fut prolongé à travers les marais avec l'avance du front, couvrant ainsi une trentaine de kilomètres. Le petit train pouvait transporter quotidiennement jusqu'à 1500 tonnes de matériel et munitions.
La guerre laissa la région totalement dévastée. Une grande partie du réseau à voie étroite, abandonné, fut réutilisé par le "Ministère des Régions Libérées" pour la reconstruction de 1919 à 1924.
A partir de 1924, Les routes, redevenues praticables, rendirent l'emploi de ces petites voies inutiles, la plupart des lignes furent alors vendues à des industries privées (carrières, mines, sucreries, etc.) ; la ligne actuelle du P'tit train de la Haute Somme fut rachetée par la sucrerie de Dompierre. Outre cette ligne, la sucrerie récupéra des coupons de voie portable qu'elle posa directement dans les champs, s'assurant la totalité de la production locale de betteraves ; ce système lui permit aussi de se désenclaver en la reliant à la Compagnie des Chemin de Fer du Nord à 15 km ainsi qu'au canal de la Somme à Cappy (6km) pour l'expédition de ses produits finis par péniches.

Le sauvetage

C'est en 1970 que quelques amateurs de chemins de fer décidèrent de sauver la ligne, que la sucrerie avait sous peu décidé de fermer. Ils créèrent l'Association Picarde pour la Préservation et l'Entretien des Véhicules Anciens (APPEVA), structure de type 1901 (équivalent de ASBL en Belgique), leur permettant de sauvegarder et d'exploiter la ligne.
La section allant du hameau de Froissy au Port de Cappy (1,5 km) ayant été abandonnée du fait de l'avancée du front et déferrée sans doute dans les années 40, fut reconstruite par les bénévoles avec des rails de la 1ère guerre. En attendant l'arrêt de l'exploitation ferroviaire du reste de la ligne par la sucrerie, ils recherchèrent des locomotives à vapeur dans toute la France et les remirent en état de marche. Le 1er train pour le public roula le 13 juin 1971, et la 1re locomotive à vapeur entra en service dès le 14 juillet de la même année.
La sucrerie abandonna son exploitation ferroviaire en 1974, permettant ainsi aux membres de l'association de racheter la ligne allant du Port de Cappy à Dompierre ainsi que le matériel roulant utilisé par la sucrerie. Remise progressivement en état, la ligne fut bientôt adaptée au trafic voyageurs. La ligne ne comportant aucun bâtiment technique, les bénévoles durent construire un dépôt, puis une gare d'accueil à Froissy, et enfin un musée abritant aujourd'hui une partie de la collection de l'association : 38 engins moteurs et un peu plus de 120 wagons.

La ligne

Le départ se fait du musée des chemins de fer à voie étroite; vous découvrez, sur la droite, le château d'eau et la plaque tournante, puis un bâtiment qui n'est autre que l'ancien musée construit en 1987 par l'APPEVA et rapidement devenu exigu. La ligne rejoint le chemin de halage devant l'atelier habillé de bois où sont patiemment restaurés et entretenus locomotives à vapeur, locotracteurs et autres wagons.
La voie suit le canal sous un tunnel de verdure jusqu'au port de Cappy. On distingue, juste de l'autre côté, les étangs de la Somme. Le port de Cappy, au temps de la sucrerie, était un modeste quai où étaient amenés les wagons de sucre. Placés sur une voie au bord du canal, ceux-ci étaient déchargés directement dans les péniches. La disposition des voies, vestiges de l'exploitation antérieure et donc peu adaptée au service touristique, a été entièrement remaniée et une gare aménagée dans un ancien local de service de la Sucrerie. Actuellement, on effectue ici l'échange des locomotives, une partie du trajet s'effectuant en vapeur, l'autre en diesel.

La ligne s'engage dans une tranchée de plus en plus profonde et pénètre dans un tunnel courbe de plus de 200 m de long. Cet ouvrage, construit en 1927 par la sucrerie évitait le passage des trains dans les rues de Cappy, ce qui fut le cas lors de la 1e guerre. Impressionnant pour les non avertis (et les autres, lorsque sa traversée s'effectue en vapeur...), il est devenu l'une des attractions du réseau. La ligne quitte le tunnel sur un passage à niveau et longe les maisons du village en contrebas.

La ligne continue le long d'une pâture puis franchit la route de Chuignes sur un pont métallique surnommé "le viaduc" par les gens du cru (il faut dire qu'il mesure environ 6 mètres de long...) pour aboutir dans un bois. Elle rejoint bientôt une voie d'évitement qui sert parfois au croisement des rames. Autrefois, on pouvait apercevoir l'entrée d'un second tunnel qui donnait accès au bas d'une carrière ; il est aujourd'hui perdu dans la verdure. Le train s'arrête ici... parce qu'il n'y plus de rails en face de lui... Il repart bientôt en arrière, sur une autre voie et continue de monter ; il s'arrête 500 mètres plus loin, et repart en marche avant.

Il faut être attentif pour comprendre le système. La clef de l'énigme apparaît quelques instants plus tard lorsqu'on découvre, en regardant en contrebas, l'ensemble du double rebroussement en "Z". Cette disposition particulière de voie est rare en Europe, elle se rencontre surtout dans les Andes et les régions de hautes montagnes où elle est appelée "switchback". Construit pendant la 1e guerre, le "Z" permettait aux locomotives, peu puissantes (entre 50 et 70 ch.), de gravir les 50 mètres de dénivellation qui séparent le canal de la Somme du plateau du Santerre. Une machine à vapeur était alors capable de hisser deux wagons chargés, soit une vingtaine de tonnes, après avoir passé quelques minutes à remonter sa pression dans l'un des "tiroirs" à mi-pente.

La voie continue de grimper et rejoint enfin la route départementale 164 qu'elle franchit peu après. Le sommet de la rampe est atteint. La ligne croise une voie de garage : en service marchandises, la machine à vapeur y plaçait ses deux wagons et redescendait en chercher deux autres.
La ligne se poursuit, en suivant la route. La vue porte assez loin aux alentours : jusqu'aux collines dominant Péronne, à l'Est, à l'aérodrome de Méaulte, au Nord-Ouest, et à l'Ouest où l'on aperçoit les clochers des villages du plateau.

Les vestiges de la Sucrerie, fermée en 1988, se dressent sur la droite ; la voie s'y dirige et passe devant le stade de Dompierre pour atteindre le terminus quelques centaines de mètres plus loin, à la limite des premières maisons du village. La machine est alors dételée pour la remise en tête et le retour s'effectue sur le même trajet.

Texte APPEVA











© Claude & Eric Binamé
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